Le 28 avril 2015, la province du Nord-Ubangi a été érigée en une province pilote par le gouvernement de la République, dans le cadre d’un projet ambitieux visant à renforcer la décentralisation, promouvoir le développement local et tester des réformes administratives sur le terrain. Décidée en grande pompe par les autorités nationales, cette initiative a suscité de grands espoirs chez les habitants de la province, qui voyaient en elle une opportunité pour un avenir meilleur. Mais, dix ans plus tard, force est de constater que la réalité a été bien différente de l’utopie présentée à l’époque. De la gouverneure Marie-Thérèse Gerengbo à Malo Mobutu, en passant par Izato, l’histoire du Nord-Ubangi, en tant que province pilote, a été marquée par des échecs cuisants et des promesses non tenues.
Les promesses d’un avenir meilleur.
Lors de la création de la province du Nord-Ubangi en 2015, le gouvernement de la République avait mis en avant plusieurs objectifs : tester la décentralisation en profondeur, impulser des projets de développement économique et infrastructurel, et améliorer la gestion des ressources naturelles. Le Nord-Ubangi, une province située au cœur du pays, devait servir de modèle en matière de gouvernance locale et de gestion des affaires publiques.
Les habitants de la province espéraient de cette initiative qu’elle apporterait des solutions concrètes à leurs préoccupations quotidiennes, comme l’accès à des infrastructures de qualité, la création d’emplois et le renforcement des services publics. En effet, avec sa richesse en ressources naturelles et son emplacement stratégique, le Nord-Ubangi avait toutes les cartes en main pour être une véritable locomotive du développement dans la région. Le plan de développement de la province semblait être l’occasion rêvée de tourner la page de la marginalisation qui frappait de nombreuses régions du pays.
Une gouvernance chaotique .
Le premier gouverneur du Nord-Ubangi, Marie-Thérèse Gerengbo, a hérité de cette mission ambitieuse en 2015. Ancienne directrice adjointe du bureau du cabinet du président de la république, Joseph Kabila, députée nationale et élue du territoire de Yakoma, ancienne patronne de la société nationale de sécurité sociale et dernière gouverneure du grand Équateur, elle a été vue comme une figure de proue de cette transition vers une meilleure gestion locale. Cependant, son mandat a rapidement montré les faiblesses de la gouvernance dans la province.
Sous son leadership, les promesses de développement ont vite été contrecarrées par des problèmes structurels et une gestion souvent caractérisée par le manque de transparence, les conflits internes et un manque d’action concrète. Si certains projets d’infrastructure ont été lancés, ils sont restés en grande partie inachevés . De plus, l’administration de la gouverneure Gerengbo a souffert d’une gestion peu orthodoxe des ressources publiques, exacerbant ainsi les frustrations des populations locales qui ne voyaient pas d’amélioration réelle dans leur quotidien.
L’ère Izato : l’illusion d’un renouveau.
En 2019, après le départ de Marie-Thérèse Gerengbo Yazalo, Izato Nzege Koloke, un jeune politicien connu comme une nouvelle génération, fils d’un ancien dignitaire de l’ancien pouvoir, a pris la tête de la province. À son arrivée, de nombreux habitants et observateurs espéraient un changement radical. Izato promettait de relancer les projets abandonnés par son prédécesseur, d’améliorer la gestion des finances publiques et de renforcer la sécurité dans la province. Malheureusement, ces espoirs ont vite été déçus.
Sous son mandat, le manque de vision stratégique et les divisions internes ont persisté. Les projets de développement ont encore une fois été ralentis, et les problèmes liés à la corruption et à l’inefficacité de l’administration ont continué d’entraver toute véritable avancée. L’une des grandes promesses d’Izato était de renforcer les infrastructures de transport, particulièrement la route RN24, essentielle pour relier les différents territoires de la province. Mais là encore, les avancées étaient minimes, et les conditions de vie des populations rurales ne se sont pas améliorées de manière significative.
Malo Ndimba Mobutu : la dernière chance ou un dernier souffle ?
En 2023, Malo Ndimba Mobutu, le troisième gouverneur du Nord-Ubangi, a pris les rênes de la province avec l’espoir de redresser la barre. Un autre jeune, symbole de la nouvelle énergie, il est arrivé avec un discours politique et une vision de relancer l’économie de la province en attirant des investissements étrangers, notamment dans l’agriculture et l’exploitation minière.
Lors de sa prise de fonction, Mobutu a notamment mis en avant des initiatives comme la réhabilitation de la RN24 et la promotion des partenariats avec des entreprises étrangères. Toutefois, en dépit de ses efforts, la province semble toujours enlisée dans les mêmes problèmes : une gouvernance faible, une gestion des ressources publiques opaque et la population peine à ressentir les retombées de ses projets.
Le bilan : un contraste frappant entre ambitions et réalité.
Dix ans après la création de la province du Nord-Ubangi en tant que province pilote, le bilan est loin d’être celui qu’on espérait. Les promesses de développement faites par chaque gouverneur successif se sont souvent heurtées à la réalité de la corruption, du clientélisme politique, du manque d’ expérience administrative* et de la gestion chaotique des finances publiques. De plus, le manque de formation des élus locaux et l’absence de projets structurants dans les secteurs clés ont freiné toute tentative de développement durable.
Les populations du Nord-Ubangi, qui espéraient un modèle de gouvernance décentralisée et un développement rapide, continuent de vivre dans des conditions difficiles. Les infrastructures de base restent insuffisantes, l’accès à la santé et à l’éducation est toujours problématique et les divisions internes entre les autorités provinciales et les communautés locales persistent.
Conclusion : Un avenir incertain.
Le Nord-Ubangi, province pilote de la RDC, incarne l’espoir déçu d’une gouvernance capable de transformer le quotidien des populations et de faire émerger un modèle de développement régional. Dix ans après sa création, la province reste un lieu où les ambitions affichées par les autorités se heurtent à des réalités difficiles. A ADENU, nous pensons que pour que le Nord-Ubangi puisse vraiment jouer son rôle de pionnier de la décentralisation, il faudra bien plus que des promesses politiques. Il faudra une réforme en profondeur, une gouvernance transparente, et surtout des actions concrètes qui bénéficient réellement aux populations. Sinon, la province risque de devenir un modèle d’échec pour toute la RDC. Il est grand temps que les dirigeants actuels, comme les futurs gouverneurs, prennent des mesures concrètes pour combattre les anti-valeurs qui freinent le développement du Nord-Ubangi.
La corruption, la mauvaise gestion et l’incompétence administrative continuent de nuire à la province. Il est essentiel que la société civile, les élus locaux et les leaders communautaires s’unissent pour mettre en place des stratégies de gouvernance responsables, fondées sur la transparence et l’efficacité. Oser dire non aux anti-valeurs, c’est s’engager dans une gouvernance véritablement orientée vers l’intérêt général et la modernisation de la province.
La Rédaction de ADENU.